A propos de Hard Core, Walter de Maria (1969)

« Where is the best place in the world? It's what I saw in Nevada »


Walter de Maria découvre le désert du Nevada en 1963, lors d’un long voyage en voiture: « When I had first driven the country in the summer of 1963 from New York back to California, it was the most terrific experience of my life, experiencing the great plains and the Rockies, but especially the desert, you know. […] Where is the best place in the world? It's what I saw in Nevada. […] the desert is the most aesthetic place in the world, outside of the ocean, maybe more than the ocean, and when you're in the middle of the Sahara desert you know that it's one of the most beautiful places in the world, that's all. There's no question. You don't have to explain it; it's just obvious.»
En mars 1969, pour le projet de Fernsehgalerie de Gerry Schum, Walter de Maria propose au chapitre Land Art une action fameuse, Two Lines Three Circles on the Desert, réalisée dans le désert de Mojave en Californie. L’artiste trace deux lignes parallèles au sol et les parcourt jusqu’à rejoindre la ligne d’horizon. Après vingt-quatre pas, la caméra tourne à 360°, mouvement répété trois fois, alors que l’artiste continue à s’éloigner jusqu’à disparaître du champ. On reconnaît ici le type d’intervention spécifique au Land art américain, qui trouve dans le désert un terrain idéal pour l’élémentarisation des gestes qu’il promeut.
Dans Hard Core, tourné quelques mois après Two Lines en juillet 1969, ces principes croisent ceux de l’élégie, de l’hommage et de la parodie de western. Le film se poserait ainsi comme l’envers de la performance minimale réalisée pour Gerry Schum, son pendant costumé. Réalisé avec les moyens techniques de la télévision (Walter de Maria se souvient du professionnalisme du tournage), le film est financé par la Dilexi Foundation de San Francisco et sera retransmis à la télévision. L’artiste en a préalablement rédigé le script. Une fusillade dans le désert étendue sur une demi-heure, filmée avec des mouvements de caméra extrêmement contrôlés, au milieu d’un paysage qui en serait la clé de voûte : le désert de Black Rock dans le nord du Nevada. Deux personnages se font face, interprétés par Walter de Maria et Michael Heizer, surgis d’un western dont il ne resterait que la structure la plus dépouillée : deux hommes armés, le ciel, les montagnes et le désert. Sept longs plans à 360° viennent trancher horizontalement dans cette « matière première ». Selon Suzaan Boetger, les artistes rejoueraient ici l’évocation bien connue de la « Wild West virility». La déconstruction que le film opère sur les clichés du genre en révèle aussi bien, effectivement, le degré de fantasme, que la teneur ornementale : les emblèmes recensés du western (pistolets, bottes, chapeaux), isolés par des gros plans, sont les reliquats d’un monde en voie de disparition, dont on peut désormais rejouer indéfiniment le scénario originel. Le caractère « pop » de ces plans contraste avec le traitement globalement minimaliste et austère de l’ensemble, dédié au vide, sans dialogue, uniquement traversé par une bande-son composée par l’artiste. Le désert tient bien dans la double équation qu’à quelques mois d’écart Walter de Maria effectue : espace infini à parcourir et décor de l’infini scénario américain, celui de l’homme aux colts d’or.


Clara Schulmann